Le statut du fonctionnaire

La fonction publique désigne un ensemble de personnes travaillant sous certaines juridictions ou dans un cadre intergouvernemental au sein des administrations publiques.

« Est fonctionnaire » une personne employée et nommée par une personne publique dans un emploi permanent, et titularisée à son poste dans un grade de la hiérarchie administrative. Le fonctionnaire est dans une situation statutaire et règlementaire. Les conditions de travail, de recrutement et de la rémunération du fonctionnaire sont définies dans le cadre d’un statut général qui détermine les principes communs du travail dans le service public.

Le statut général de la fonction publique dépend de quatre lois formant chacune l’un des titres de ce statut :

Votre statut

Titre I Loi n°83-634 du 13 juillet 1983

Titre II Loi n°84-16 du 11 janvier 1984 Fonction publique de l’État

Titre III Loi n°84-53 du 26 janvier 1984 Fonction publique Territoriale

Titre IV Loi n°86-33 du 9 janvier 1986 Fonction publique Hospitalière

Les droits et obligations du fonctionnaire

Obligations déontologiques

Les obligations déontologiques sont énoncées par le statut : dignité, impartialité, intégrité, probité, neutralité, respect de la laïcité ((article 25 de la loi 83-634, Titre I du Statut).

Mais la jurisprudence fait aussi respecter certaines obligations : notamment l’obligation de réserve (voir page ci-contre).

Le droit à la vie privée du fonctionnaire est assuré. De même que sa participation à la vie publique est facilitée lorsqu’il est élu.

Le droit à la vie privée

Le fonctionnaire, comme tous les citoyens, a droit à une vie privée (article 9 du Code civil : “Chacun a droit au respect de sa vie privée”). Comme les autres citoyens, l’agent public doit respecter les lois et règlements.

Mais l’agent public est soumis à une obligation de dignité dans sa vie personnelle qui, pour ne pas figurer dans les textes, constitue une exigence dont le non-respect est susceptible de donner lieu à des poursuites disciplinaires et à des sanctions, et que la jurisprudence administrative fait respecter.

Des comportements inappropriés susceptibles de nuire à l’image de la personne publique et du corps auquel appartient le fonctionnaire peuvent être sanctionnés. Cette obligation d’intégrité et de dignité est exigée pour les agents dans l’exercice de leurs fonctions mais aussi dans le cadre de leur vie privée.

Les poursuites disciplinaires ne sauraient viser que des faits établis : ne peuvent servir de support à l’engagement d’une procédure disciplinaire une faute présumée ou des rumeurs (C.E., 7 septembre 1945, Morrie, Leb., p. 187).

Par contre, une mesure de suspension peut se justifier par de faits présentant un caractère de vraisemblance et de gravité suffisante (CE 28 juin 1993, n° 97496). Même après condamnation pénale, la révocation peut être considérée comme trop lourde vu les circonstances de l’affaire

(Non passage à l’acte, suivi psychiatrique, absence de risque de réitération) : CAA de Lyon, 21 octobre 2014, n° 13LY01162).

Lorsque l’administration veut sanctionner un fonctionnaire pour des faits relatifs à sa vie privée, il faut que ces faits ne soient pas dépourvus de tout lien avec le service, c’est-à-dire que la gravité des faits doit justifier en elle-même la sanction disciplinaire ou que cette dernière doit être justifiée par l’atteinte à la réputation professionnelle.

L’administration ne doit pas s’ériger en censeur moral Le pouvoir disciplinaire cesse donc lorsqu’est en cause la sphère purement privée du fonctionnaire.

Il résulte du statut un équilibre entre droits et obligations dont l’objectif est à la fois de permettre au fonctionnaire de disposer de droits de salarié, de jouir pleinement de sa citoyenneté, y compris dans l’exercice de ses fonctions, de ne pas être placé dans une position d’assujettissement, en même temps que de garantir à l’usager, au citoyen la permanence, la continuité, la neutralité du service public ainsi que le bon fonctionnement de l’État et de ses services.

L’atteinte à l’image de l’administration peut être sanctionnée

L’obligation de neutralité ne s’oppose pas à l’exercice d’un mandat électif

L’obligation de réserve

L’obligation de réserve, notion absente de la loi, peut être défini comme l’obligation pour le fonctionnaire d’exprimer avec modération ses opinions, notamment politiques. Le Conseil d’État a dégagé une jurisprudence tendant à concilier la liberté d’expression et l’intérêt du service. Si l’obligation de réserve contribue à garantir l’impartialité de l’administration, elle est trop souvent un alibi de l’autoritarisme

Impartialité

Le principe de neutralité implique l’impartialité dans l’exercice des fonctions, condition sine-qua-non de l’égalité de traitement des administrés, et donc quelques restrictions à la liberté d’expression du fonctionnaire. La faute commence avec le comportement « susceptible d’entraver le fonctionnement du service public ». L’obligation de réserve s’impose à tous les agents publics.

L’expression des opinions doit être compatible avec les devoirs de la fonction. L’obligation de réserve et de neutralité est aggravée dans certains cas : le Conseil d’État accepte que l’obligation de réserve soit plus lourde pour les hauts fonctionnaires.

La réserve demandée aux candidats à la Fonction publique – même pour des faits très antérieurs à leur candidature – pose problème : imposer une obligation de fonctionnaire à des personnes qui ne le sont pas constitue une atteinte sérieuse à leur liberté d’expression.

Citoyenneté

Par ailleurs, l’absence de définition générale de l’obligation de réserve, le flou de ses contours, conduisent le fonctionnaire, dans l’incertitude, à une autocensure qui peut aller au-delà de l’obligation de réserve imposée par la jurisprudence. Le juge, qui sanctionne les manquements à la réserve, doit éviter l’écueil qui consisterait à « neutraliser » le fonctionnaire, à en faire un citoyen de seconde zone. Limite à la liberté d’expression du fonctionnaire, l’obligation de réserve ne conduit en effet pas pour autant à imposer un conformisme.

Le principe de citoyenneté inspire le statut de 1983-1984. Il n’est fait référence dans la loi « ni à la liberté d’expression, ni à l‘obligation de réserve dont cette liberté est nécessairement assortie » (cf. exposé des motifs).

L’obligation de réserve doit rester une obligation de forme : un glissement vers le fond de l’opinion exprimée conduirait à une obligation de conformisme, à une orthodoxie officielle.

Résistance à l’autoritarisme

Les rapports de forces contribuent largement à tracer les contours du cadre juridique : les slogans criés dans une manifestation seraient, dans un cadre où l’agent serait plus isolé, considérés comme un manquement au devoir de réserve. Le syndicalisme a imposé une atténuation considérable du devoir de réserve pour les représentants du personnel : il est un combat, incompatible avec un rapport de subordination. Le Conseil d’État accepte que les syndicalistes soient soumis à l’obligation de réserve, mais à un degré qui n’entrave pas l’exercice de leurs fonctions syndicales. Toutefois, l’obligation subsiste et frappe les intérêts étrangers aux intérêts professionnels, ceux d’ordre politique. Il a été constaté que toutes les sanctions prises pour manquement à l’obligation de réserve l’ont été à l’égard de fonctionnaires qui avaient manifesté leur opinion en faveur de l’opposition.

Les obligations imposées aux fonctionnaires, si elles sont excessives, ne menacent pas seulement leurs droits, mais aussi ceux des administrés. L’obsession du secret, qui illustre une certaine tradition administrative française, ne correspond pas aux attentes de démocratie et de transparence.

Secret professionnel

À la différence de l’obligation de réserve, qui est une limitation dans l’expression des opinions, le secret professionnel impose de ne pas divulguer des informations sur des personnes dont l’agent public a connaissance de par ses fonctions.

L’obligation de discrétion professionnelle Le devoir de discrétion professionnelle est distinct de l’obligation de réserve et du secret professionnel. L’obligation de réserve concerne l’expression par l’agent public de ses opinions personnelles.

Le secret professionnel s’applique essentiellement aux professions réglementées (de santé ou sociales), et à certaines fonctions ou missions (protection de l’enfance, instruction de dossiers d’aide sociale, par exemple). Son non-respect par un fonctionnaire ou un non fonctionnaire- expose à des sanctions pénales.

Le devoir de discrétion professionnelle concerne tous les fonctionnaires et vise les « faits, informations ou documents dont ils ont eu connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leur fonction ». Selon l’article 26 de la loi n° 83-634 (Titre I du Statut), ils risquent une sanction disciplinaire s’ils ne le respectent pas, voire des poursuites devant une juridiction civile pour atteinte à la vie privée.

Un agent public ne doit pas divulguer les informations relatives au fonctionnement de son administration.

L’obligation de discrétion

Concerne tous les documents non communicables aux usagers. Elle protège tant l’administration contre la divulgation d’informations relatives au service qui pourrait nuire à l’accomplissement des tâches ou à la réputation de l’administration, que les administrés.

Cette obligation s’applique à l’égard des administrés mais aussi entre agents publics, à l’égard de collègues qui n’ont pas, du fait de leurs fonctions, à connaître les informations en cause. Elle ne peut cependant pas conduire à réduire le droit d’expression syndicale sur le fonctionnement des services.

Les membres des Commissions administratives paritaires sont également liés à cette obligation dans la mesure où ils ont connaissance des situations personnelles.

Les membres non médecins de la commission de réforme peuvent prendre connaissance de la partie médicale des dossiers soumis à leur avis. Dès lors, ils sont tenus à l’obligation de discrétion professionnelle (Question Écrite du 18 juillet 2013 – N° 06187).

Loi n° 83.634 du 13 juillet 1983, art. 26 : « Les fonctionnaires doivent faire preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. En dehors des cas expressément prévus par la réglementation en vigueur, notamment en matière de liberté d’accès aux documents administratifs, les fonctionnaires ne peuvent être déliés de cette obligation de discrétion professionnelle que par décision expresse de l’autorité dont ils dépendent. » Sanctions disciplinaires Comme l’obligation de secret professionnel, le manquement à cette obligation qui constitue essentiellement en la divulgation non autorisée d’informations est sanctionné sur le plan disciplinaire.

– Un agent qui diffuse sur Internet des éléments détaillés et précis sur l’organisation de son service méconnaît son obligation de discrétion professionnelle (CE, 20 mars 2017, n° 393320).

– Dévoiler la teneur d’une réunion entre le directeur général des services et la directrice des ressources humaines concernant le reclassement professionnel d’un agent constitue un manquement à l’obligation de discrétion professionnelle. (. CAA de Versailles du 24 septembre 2009 – N° 08VE01456).

– Communication de copies de correspondances :

– Divulgation d’informations nominatives confidentielles

Sanctions pénales Bien que le manquement au devoir de discrétion professionnelle ne constitue pas directement une infraction pénale comme le manquement au secret professionnel, certains faits constitutifs de sa violation peuvent néanmoins être sanctionnés pénalement (par exemple la violation du secret des correspondances).