L’arrêté du 22 Août 2018 confirme ce que nous savions déjà: la réforme du diplôme d’État d’assistant de service social (DEASS) octroie une reconnaissance de niveau II en lieu et place du niveau III actuel, permettant la collation du grade licence réclamé depuis de nombreuses années par toute la profession. A première vue donc, il s’agit d’une réforme à saluer ! Mais, comme souvent, le diable se cache dans les détails et le SNUASFP FSU juge cette nouvelle mouture non seulement inacceptable mais aussi inquiétante pour l’avenir de la profession.
L’arrêté précise que cette reconnaissance de niveau II s’appliquera pour les futurs diplômés en service social dès 2021. Il s’applique donc dès à présent pour les étudiants de la promotion 2018/2021. La formation s’articulera toujours sur trois années avec une alternance entre théorie et stages auprès de professionnels, confirmant l’analyse et les revendications du SNUASFP FSU quant à l’indispensable reconnaissance au niveau II du RNCP. Pour autant, aucune rétroactivité n’est prévue, entraînant de facto une profession à deux niveaux, les professionnels diplômés jusqu’en 2020 étant positionnés au niveau III, les suivants au niveau II. Au mieux, une passerelle pourrait être envisagée afin de permettre aux professionnels le souhaitant d’accéder au niveau II.
En définitive, cela signifie par conséquent que le gouvernement estime que les professionnels exerçant actuellement ne méritent aucunement la reconnaissance qui leur est pourtant du depuis tant d’années et que, le cas échéant, il faudra démontrer ses compétences pour l’obtenir ! Les assistants sociaux ont pris l’habitude d’être méprisés par les pouvoirs publics, mépris qui avec cet arrêté, n’est même plus dissimulé ! Dans le même temps, l’arrêté raccourcit la période d’activité nécessaire à une validation des acquis de l’expérience, celle-ci passant de trois années à une année. Oui, une seule et unique année d’expérience en lien avec les compétences d’assistant de service social pour accéder à un DEASS de niveau II quant les assistants sociaux déjà diplômés après trois années de formation et avec plusieurs années d’expérience, devront quant à eux se contenter d’une reconnaissance inchangée à niveau III! Aller comprendre la logique! Le SNUASFP FSU ne peut accepter ce mépris affiché à l’encontre des compétences et de la professionnalité des assistants sociaux qui n’ont de cesse d’accompagner les personnes partout, malgré l’indigence des moyens.
D’autre part, le contenu de la nouvelle formation n’est pas sans susciter des interrogations voire des inquiétudes sur la conception du métier d’assistant de service social. Les modalités d’entrée en formation,qui s’appuyaient jusqu’à maintenant sur un concours d’entrée visant notamment à évaluer les capacités à faire face aux situations difficiles rencontrées, la connaissance de la profession et du contexte du travail social, l’aptitude au travail en équipe ou encore l’empathie potentielle des candidats, ne sont pas clairement définies par ce nouvel arrêté. Il semblerait que l’accès à la formation se fasse par l’intermédiaire du si efficace parcoursup, posant notamment la question des réorientations en cours de carrière professionnelle. Les derniers chiffres disponibles précisent que 44% des entrants en formation le font dans le cadre d’une deuxième carrière ; 28% sont déjà diplômés de l’enseignement supérieur. Soit près de 3 étudiants sur 4. Quelles modalités d’accès à la formation pour ces profils ? Le nombre de candidats au concours d’entrée a diminué de moitié en dix ans, il est légitime de s’interroger sur le nombre de candidats à venir dans ces conditions.
La question de la validation des compétences préalablement évaluées lors du concours d’entrée se pose aussi. Pour le SNUASFP FSU, la profession d’assistant de service social ne peut se réduire à des compétences techniques déconnectées d’un savoir-être indispensable à la relation d’aide. Il ne s’agit pas uniquement d’être un gestionnaire des problématiques sociales, n’en déplaise à notre gouvernement, mais bel et bien d’accompagner les personnes en s’appuyant sur ce qu’elles sont.
Les nouvelles modalités de certification sont également inquiétantes: jusqu’à présent, l’essentiel de la certification passait par des épreuves de fin de formation, organisé par la DRJCS, garante d’un diplôme d’État de même valeur entre tous. Désormais, les centres de formation seront les maîtres d’œuvre de la grande majorité des évaluations (3 domaines de compétence sur 4 et une partie du quatrième), laissant peser la crainte d’un DEASS à plusieurs vitesses. Enfin, deux domaines de compétences sont désormais totalement identique entre plusieurs formations du travail social (DEASS, DEES, DECESF, DEJE, DEETS). Cela questionne sur le respect de l’identité professionnelle de chacun et la nécessaire complémentarité des professions concernées dans l’accompagnement des personnes.
La volonté politique de dissoudre les spécificités propres à chaque métier est porteuse de risque quant à la qualité de l’accompagnement des personnes: c’est bel et bien les compétences fines et spécifiques à chaque professionnel qui permettent d’adapter les réponses apportées.
Le SNUASFP FSU, réunit en congrès national en mai 2018, a voté le boycott des stagiaires de première année pour 2018-19 et ce pour une année. Il s’agit d’une décision forte pour alerter les professionnels, les étudiants et les centres de formation de cette reconnaissance tronquée et non-rétroactive.
Cette situation inacceptable ne peut perdurer car au-delà de la question de la reconnaissance du DEASS,c’est aussi la question du sens donné au travail social qui se pose et de la complémentarité des professions.
Le SNUASFP FSU continuera de revendiquer une même reconnaissance pour tous par tous les moyens nécessaires et de porter une vision exigeante d’un travail social émancipateur.
Les Lilas, le 17 septembre 2018